Avec 18% des émissions directes de gaz à effet de serre provenant du secteur des bâtiments et 36 millions de logements en 2019, la décarbonation complète de ce secteur est indispensable à l’atteinte de la neutralité carbone en France. Le rapport du Haut conseil pour le climat, « Rénover mieux : leçons d’Europe », analyse les politiques publiques et les solutions de quatre pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) et identifie des pistes d’action pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments en France. Il démontre et détaille le besoin d’un engagement massif et durable de l’Etat et du secteur privé dans les dix prochaines années pour décarboner les logements et les bâtiments tertiaires en France. Cette mobilisation sera par ailleurs créatrice d’emplois stables et de rentrées fiscales.
Le rythme des rénovations énergétiques - en moyenne de 0,2% par an - doit fortement s’accélérer pour atteindre 1% par an après 2022 et 1,9% par an d’ici 2030. Pour le secteur résidentiel, il s’agit de passer des 60-70 000 rénovations profondes effectuées annuellement (2012-2016), à 370 000 rénovations complètes par an à minima après 2022 et 700 000 par an à partir de 2030, conformément aux objectifs fixés dans la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Si tous les pays étudiés dans ce rapport constatent une amélioration de la performance énergétique de leur parc de logements, seule la Suède a réussi une décarbonation quasi-totale du secteur. En tenant compte des différences de climat, la France apparaît comme ayant les logements les moins performants par rapport aux autres pays. La performance énergétique des bâtiments résidentiels en France progresse à un rythme similaire à la moyenne européenne, alors que celle des bâtiments tertiaires (bureaux, commerces et restaurants, écoles et hôpitaux) progresse moins vite. La Suède doit son succès à un effort continu sur plusieurs décennies, comprenant des normes exigeantes de performance énergétique, des investissements dans les réseaux de chaleur et plus récemment vers le chauffage électrique avec pompes à chaleur, accompagné d’une taxe carbone. L’Allemagne se distingue par la diversité de ses politiques publiques, comprenant d’importantes subventions aux ménages et aux entreprises conditionnées à l’atteinte de résultats avec un rôle fort de la banque publique d’investissement. Les Pays-Bas se distinguent par la gouvernance du secteur et la mise en valeur de solutions locales pour permettre la sortie du parc de sources de chauffage carbonées et l’élaboration de feuilles de route du parc public. Finalement, l’expérience du Royaume-Uni sur la mise en œuvre des obligations de rénovations des passoires thermiques sont éclairantes pour ces politiques sectorielles.
Les expériences étrangères et les expérimentations déjà en place dans les territoires permettent au Haut conseil pour le climat de formuler de grands ensembles de recommandations afin de renforcer les politiques de rénovation énergétique française :
Massifier la rénovation énergétique par la mise en place de conditions financières et réglementaires. Renforcer les politiques de rénovation ciblant les copropriétés et les rendre obligatoires,
Mettre en œuvre les obligations de rénovation de la loi énergie climat de manière cohérente avec la réduction des vulnérabilités, alors que 6,7 millions d’individus sont touchés par la précarité énergétique en 2017,
Intégrer plus fortement l’usage de source d’énergie bas-carbone dans la stratégie de rénovation, et mieux intégrer la rénovation et l’offre de chaleur renouvelable dans les plans et politiques territoriaux,
Rénover les bâtiments publics, par exemple en définissant des feuilles de route par branche de ce parc,
Suivre et évaluer les politiques de rénovation énergétique des bâtiments, et y adosser des conditionnalités de l’aide publique à des niveaux de performance exigeants.
Ce rapport évoque également les enjeux d’adaptation au changement climatique lors de la rénovation des bâtiments, en particulier le confort thermique en saison chaude, qui doivent être identifiés selon les régions et inclus dans les stratégies de rénovation. La massification des rénovations permettra également de répondre aux enjeux actuels de reprise économique, d’emploi et de pouvoir d’achat à travers la réduction de la facture d’énergie, comme le soulignait le Haut conseil pour le climat dans son rapport annuel 2020.